La gélatine

Quand on évoque le mot ‘gélifiant’, la plupart des gens pensent immédiatement à la gélatine, et ils ont raison ! C’est l’un des agents gélifiants les plus couramment utilisés dans l’industrie agroalimentaire, juste après l’amidon. En fait, elle occupe la première place des gélifiants d’origine animale.

Ce qui est intéressant, c’est que, contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, la gélatine est traitée comme un aliment en Europe, plutôt que comme un simple additif. Cependant, pour ceux qui scrutent les étiquettes des produits, la gélatine a ses propres codes.

Si vous voyez le code E428, cela signifie que la gélatine provient du porc, tandis que le code E441 indique qu’elle est issue du bœuf. C’est une petite astuce à garder en tête lors de vos prochaines courses!

Un peu d’Histoire

Les premières traces remontent il y a 8000 ans ; on a retrouvé en effet des mélanges ressemblant à de la gélatine et à du collagène produits à partir de tissus animaux et utilisés comme colle naturelle. Un peu plus proche de nous, c’est à dire quelques 200 années avant notre ère, dans l’Antiquité égyptienne, cette substance semble avoir été également utilisée dans le tombeau d’un Pharaon. La gélatine était essentiellement produite à partir de porc ou de boeuf, un peu moins à partir de poissons. Il aura cependant fallu attendre le XIVe siècle (ou le XVIe siècle, les avis divergent) pour voir apparaître le mot gélatine dont l’étymologie nous renvoie au latin “gelatus” et signifie gelé, figé. En Angleterre, lors des banquets du roi Henri VIII, des plats marinés contenant de la “délicieuse gelée de pieds de veau” sont servis.

Merci Denis Papin

C’est au XVIIe siècle que le procédé pour obtenir la gélatine à partir d’os d’animaux a véritablement été mis au point. On le doit au français Denis Papin (1647-1713), inventeur du premier piston cylindre à vapeur qui servit plus tard aux locomotives à vapeur, avec la fameuse “marmite” éponyme – l’ancêtre de notre cocotte minute – apparue en 1682. Avec ce nouvel outil, il devint ainsi bien plus facile d’extraire la gélatine animale en plus grosse quantité. A cette époque, elle était surtout utilisée pour nourrir les pauvres et les malades dans les hôpitaux. Mais c’est en 1754 que le premier brevet concernant une colle à base de gélatine fut délivré en Angleterre.

Le XIXe siècle, l’âge d’or

Le XIXe siècle va véritablement voir l’essor industriel de la gélatine. Tout d’abord lors des guerres napoléoniennes où elle sera utilisée comme source de protéines pour les populations durant le blocus naval opéré par la marine britannique.

Puis en 1833 avec l’invention par François Barnabé Mothes, jeune étudiant en pharmacie, des capsules gélatineuses ; pour la petite histoire, il n’avait pas encore 25 ans et fut donc obligé de s’associer à M. Dublanc pour pouvoir obtenir son brevet d’invention. Ces capsules, que nous connaissons encore aujourd’hui, permettaient pour la première fois de “véhiculer toutes sortes de médicaments solides, mous, huileux… et sans rien laisser transpirer de leur contenu” (aujourd’hui, la gélatine représente près de 90% des excipients utilisés par l’industrie pharmaceutique). A partir de 1875, elle est désormais produite de manière industrielle dans de nombreuses petites usines. Son utilisation va s’étendre à de nouveaux usages comme la photographie par exemple.

Fabrication de la gélatine

La gélatine résulte d’une hydrolyse (acide ou alcaline) partielle du collagène qui se trouve dans les os mais également dans la peau de bœuf et de porc. On peut en obtenir aussi à partir du poisson ou de la volaille. Et dîtes-vous, quand vous voyez votre belle boîte blanche d’un kilo de gélatine de chez un certain Monsieur François, qu’il a fallu une carcasse entière de bœuf ou de porc pour l’obtenir. Par ailleurs, près de 80% de la gélatine alimentaire est fabriquée en Europe et essentiellement à partir de porc.

Processus de fabrication

Le processus de fabrication se fait en cinq étapes :

    1. Le pré-traitement : on commence d’abord par dégraisser et déminéraliser les matières premières. sont d’abord dégraissées et déminéralisées. Suivant la matière première et l’utilisation prévue, les pré-traitements différents. Soit un procédé alcalin (pour les produits d’origine bovine) durant plusieurs semaines – on obtient une gélatine de type-A. Soit un procédé acide (pour les produits d’origine porcine) durant 24 à 48 heures – on obtient une gélatine de type-B. Un troisième pré-traitement se développe aujourd’hui : le procédé enzymatique, plus rapide et avec un rendement quasiment de 100 %.

    1. L’extraction : les matières premières pré-traitées sont mélangées à de l’eau potable chaude puis extraites. Suivant la température de l’eau, le pouvoir gélifiant de la gélatine produite sera différent. Plus la température est basse et plus le pouvoir gélifiant de la gélatine produite sera élevé (avec un Bloom élevé), et inversement.

    1. La filtration : on enlève des solutions produites toutes traces de graisse et de fibrille. Enfin, on élimine le calcium, le sodium, les résidus acides et les autres sels issus notamment des pré-traitements.

    1. La concentration : par évaporation sous vide, la solution de gélatine est épaissie jusqu’à obtention d’une texture visqueuse.

    1. Le séchage : la solution obtenue à l’étape précédente est stérilisée, refroidie et séchée. La matière sèche est enfin broyée avant d’être conditionnée.

Le conditionnement de la gélatine est faite sous deux formes : en feuilles (entre 2g et 5g par feuille) et en poudre.

Propriétés de la gélatine

La gélatine est une longue chaîne de protéines issus du collagène (les tropocollagènes), laquelle est une protéine que l’on trouve grandement dans la peau, les cartilages, les os ou les muscles d’animaux (porc, bœuf, volaille, poisson). C’est une protéine qui sert d’armatures. Elle est constituée de deux acides aminés qui vont assurer la rigidité du gel : la proline et l’hydroxyproline. Souvenez-vous quand vous faîtes votre pot au feu, quand vous faites bouillir votre viande avec des os longuement. Quand ça refroidit, votre sauce est… gélatineuse et c’est grâce à ce fameux collagène.

On va également retrouver des tensioactifs (comme dans le jaune d’œuf). Leur rôle est de permettre une dispersion plus aisée entre les brins de tropocollagène.

On trouve également de la pectine (à près de 0,1%).

Caractéristiques thermiques

La gélatine est transparente, légèrement jaune et n’a ni goût, ni odeur. A basse température (au delà de 0°C tout de même, idéalement à partir de 25°C), elle se réhydrate dans l’eau mais ne se dissout pas. Il faut commencer à atteindre les 60°C pour qu’elle soit dissoute dans l’eau et qu’elle se mélange aux autres ingrédients de la préparation. A partir de 90°C, elle se dégrade (comme beaucoup de protéines). Quand le mélange se refroidit (vers les 15°C), les chaines de protéines vont se lier à nouveau pour emprisonner les constituants de la préparation et ainsi former un gel. Tout simplement ! Et puisque l’on est à parler de température, il est une propriété très intéressante, c’est qu’elle fond en bouche ; c’est-à-dire qu’elle a un point de fusion entre 27° et 35°C. Mais ce point de fusion peut varier grandement en fonction de plusieurs paramètres dont le degré Bloom.

Source : https://www.gelatine.org/

En dehors des nombreuses propriétés énoncées dans la figure ci-avant, citons tout de même que la gélatine :

  • forme un gel thermo-réversible, elle gélifie à froid (15 °c) et fond à chaud (entre 25 °c et 35 °c)
  • donne une texture souple et moelleuse
  • ne supporte pas les fortes températures (plus de 90°C)
  • est sensible à certaines enzymes contenus dans les fruits tels que l’ananas, la papaye le kiwi, la figue et le pamplemousse, enzymes qui détruisent les liaisons peptidiques et la rendent moins efficace ; pour cela, il faut cuire ces fruits de manière à détruire ces enzymes

En ce qui concerne la congélation, la gélatine la supporte. Cependant, cela a pour effet de séparer une partie du liquide à la surface du gel. Ce liquide ne rentrera pas à nouveau dans le gel (sauf à la faire fondre) ce qui aura pour effet d’en modifier la structure.

Utilisations

J’entends certain.es me dire : “Ahhhhhhh enfin, on y arrive !!!”. Certes, mais au moins vous pourrez dire que maintenant vous savez tout ou presque sur la gélatine. Et sur les Arts à Table, comme on aime bien mettre les petits plats dans les grands, on vous dit tout 💪.

Une texture, une mesure

Partons du principe que nous utilisons de la 200 Bloom (la plus courante). Quel proportion de gélatine faut-il utiliser par rapport à la masse de préparation pour avoir une texture donnée ?

TexturePourcentage de gélatinePoids pour 100g de préparationPoids pour 1 litre de préparationExemple
Texturant0,25%0,25g2,5g glace et sorbet
Émulsifiant 0,5%0,5g5gsiphon, émulsion, espuma
Gel tendre1%1g10gnappage ou glaçage, pana cotta
Gel moyen1,5%1,5g15gbavarois, mousse
Gel ferme2%2g20gsphérification, crème Chibouste
Gel très ferme3%3g30gterrines, alcool dilué

Attention, si vous dosez trop, elle va absorber le liquide de la préparation et cela va avoir pour effet de creuser votre entremet par exemple.

Quelques calculs simples

Allez, un peu de maths, ça ne fait pas de mal 😁. Mais comme on est sympa, on vous donne une petite calculette pour vous faire les calculs à votre place.

➡️ Vous avez de la gélatine avec une force en Bloom différente de celle de la recette, quel poids de gélatine utiliser ?

La formule est : (poids demandé x bloom demandé) / bloom utilisé = poids à utiliser

Bloom de la recette initiale
Poids de gélatine de la recette initiale (en g)
Bloom de votre gélatine

➡️ Vous avez de la gélatine en poudre et il vous faut faire de la masse de gélatine, quel quantité de gélatine et d’eau faut-il pour avoir un poids donné de masse de gélatine ?

La formule est : masse de gélatine = poids en eau + poids en gélatine = (poids gélatine x 6) + poids gélatine

Poids de la masse de gélatine (en g)

Gélatine mode d’emploi

1️⃣ Réhydrater la gélatine (en feuille ou en poudre) : eau froide pendant 10 à 15 minutes. Si vous avez de la gélatine en poudre, il faut ajouter 6 fois son poids en eau. Si vous avez de la gélatine en feuille, il faut ajouter 7 fois son poids en eau (pensez à bien l’essorer pour enlever l’excédent en eau).

2️⃣ Incorporer la gélatine : la faire fondre avec un peu de votre préparation tiède ou un peu chaude (à moins de 90°C) puis incorporer ce mélange au reste de votre préparation.

Sinon ayez toujours de la masse de gélatine d’avance. Vous en préparez une grande quantité en suivant les proportions données avant et en vous aidant du calculateur. Vous coulez votre gel dans des petits contenants allant au congélateur. Il ne vous restera plus qu’à les sortir au besoin.

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Sources :